ILS VEULENT TOUS LE SIÈGE DE KABILA, QUE VALENT-ILS VRAIMENT ?

À un an et huit mois de la présidentielle en RDC, c’est la question qui taraude les esprits à Kinshasa et dans le reste du pays ces dernières semaines. Qui va prendre la relève de Joseph Kabila au palais de la Nation. Depuis la publication du calendrier électoral par la CENI début février, la question se pose encore avec empressement. Dans les états-majors politiques les calculs ont commencé. Les potentiels candidats, plus que jamais sur la ligne de départ.
Notre tour d’horizons…
Il y en a qui ont déjà semé une graine vers la candidature. C’est le cas de Moise Katumbi. Après uns sortie fracassante fin Décembre 2014, le gouverneur de la province du Katanga a marqué les esprits en s’opposant vertement contre un troisième mandat du chef de l’État dont il est pourtant proche. Depuis, le président du TP Mazembe est présenté comme un candidat sérieux dans la course présidentielle. Mais sous quelles couleurs ?
Pour Vital Kamerhe, la question ne se pose pas. Le président national de L’UNC devrait sans aucun doute représenter son parti dans la compétition. Du côté du MLC, on croise les doigts, les regards tournés vers la Cour Pénale Internationale. La CPI tranche en effet le 15 Mars 2015 sur le sort de Jean Pierre Bemba. Selon Me Aimé Kilolo, l’avocat de l’ex vice-président de la république, le verdict devrait être favorable au ‘’Chairman’’. Ce qui relance l’espoir dans les rangs des ‘’fourmis’’. Il ne faut pas non plus oublier l’UDPS où le débat fait rage sur la candidature ou non d’Etienne Tshisekedi, âgé de 83 ans. En attendant d’autres noms sont annoncés pêle-mêle, indépendants ou appartenant à un parti : Denis Mukwege, Freddy Matungulu, Aubin Minaku et bien d’autres leaders des partis politiques. Ils veulent tous le siège de Joseph Kabila. Que valent-ils réellement?
La carte Katumbi
En faisant recours à sa métaphore des faux penalties le 23 Décembre 2014 pour s’opposer au 3e mandat de Joseph Kabila, Moise Katumbi se positionnait ce jour-là comme une véritable alternative au pouvoir, lui qui est un des hommes forts de la majorité actuelle. Mais l’histoire de Moise Katumbi n’a pas commencé avec les ’’ faux penalties’’. Rentré au pays en 2002 après une longue période d’exil, Moise Katumbi a opéré une ascension fulgurante dans l’espace politique. Élu député national en 2006, c’est la province du Katanga qui l’intéresse.
Gouverneur de la riche province du pays depuis cette même année, Moise Katumbi a aussi bâti sa popularité dans le football, lui qui est également président du TP Mazembe, l’un des clubs les plus prestigieux du continent. Au-delà du Katanga, Moise Katumbi a réussi à se faire une renommée nationale, grâce notamment à des gestes de générosité dont il a coutume. Homme d’affaires, propriétaire et actionnaire dans quelques entreprises minières, il a sans doute un carnet d’adresse qui peut compter.
Ses faiblesses : Une popularité sportive n’a jamais été déterminante dans une élection politique. L’exemple le plus récent est celui de la star libérienne Georges Weah. Par ailleurs, Moise Katumbi est l’objet de critiques acerbes venant de son propre camp à propos de la gestion du Katanga. Ses détracteurs pointent la gabegie qui caractériserait l’administration Katumbi au Katanga. Même s’il a été reçu par Joseph Kabila vendredi à Kinshasa, sa rupture avec ce dernier devrait laisser des traces. Lui qui a servi le chef de l’État pendant deux mandants, il risque d’avoir du mal à se positionner confortablement.
Bemba arrive…
Donné pour libre à l’énoncé du verdict le 15 Mars prochain à la CPI, Jean Pierre Bemba ne pouvait pas rêver pareil timing. Et le moment choisi pour cette libération annoncée, a de quoi intriguer. Arrivée deuxième (48%) après Joseph Kabila (52%) à l’issue d’un 2nd tour très serré de la présidentielle de 2006, l’ex vice-président n’était déjà pas loin du but. Bien qu’en prison depuis 2007, le ‘’chairman’’ a gardé un atout précieux sur le terrain. Son parti, le MLC. Depuis sa cellule, il a su en garder le contrôle, même si quelques ténors ont quitté pour rejoindre la majorité.
’’Equatorien’’ d’origine, Jean Pierre Bemba s’est déjà fait connaitre sur le plan national. Non seulement parce qu’il a été vice-président, mais aussi grâce à sa campagne de 2006 à la saveur nationaliste. On se souvient encore du slogan ‘’aza mwana Congo’’ (l’enfant du pays) qui fit alors mouche dans l’entre deux tour en 2006. Aujourd’hui c’est un homme sans doute assagi par huit ans de prison qui s’apprête à rejoindre la liste des prétendants au Palais de la Nation. Lui qui décrit son emprisonnement comme une bonne chose et même une retraite, selon son avocat. Me Kilolo qui rapporte sur TV5 cette phrase du sénateur: « Ce moment m’a permis de réfléchir sur un projet pour un Congo de demain ». Nous voici prévenus !
Ses faiblesses : Arrêté, humilié, après les affrontements de Kinshasa qui ont vu ses troupes balayées par la garde républicaine de Joseph Kabila, Jean Pierre Bemba risque de revenir avec un sentiment de revanche. Décrit par ceux qui le côtoient comme un homme impulsif, il aura un défi de montrer l’image d’un homme nouveau. Pas d’un nouveau Mobutu.
Si la nouvelle de la libération de Jean Pierre Bemba se confirme le 15 Mars, il est clair que les cartes seront rebattues dans l’espace politique congolais. En attendant, les embouteillages sont à redouter sur la route de la présidentielle : l’UNC Vital Kamerhe, déjà présent en 2011 entend bien tenter de nouveau sa chance. Longtemps malmené par ses camarades de l’opposition peu sûrs de sa réelle rupture avec Joseph Kabila, l’ancien président de l’Assemblée nationale s’est depuis, montré très virulent à l’endroit du pouvoir. En première ligne lors des évènements du 19 janvier 2015, il est l’un des ténors de l’opposition qui ont fait plier la majorité sur le projet de révision de la loi électorale. Ses atouts sont son bastion de l’Est et sa facilité à communiquer.
Sa faiblesse reste toujours son passage de la majorité à l’opposition. Pas facile de se faire une place dans une maison déjà occupée par les éléphants, même si l'acharnement du pouvoir ces derniers jours à son encontre a réussi à fédérer autour de lui bon nombre des congolais. Parmi ces éléphants,Etienne Tshisekedi, 83 ans, malade, ne devrait pas y aller. Mais son nom pèsera beaucoup dans la balance.
Dans les rangs de la majorité, le chef de l’État semble n’être pas encore décidé sur son dauphin. Mais ils sont nombreux déjà en embuscade. Quelques noms circulant dans la presse ne sont pas anodins : Aubin Minaku, Augustin Matata Ponyo ou encore Marie-Olive Lembe Kabila… À moins que par la magie du glissement, Joseph Kabila assure lui-même sa propre succession, au-delà de 2016.
Yvon MUYA