Fronde contre le président : Lyndon Johnson-Joseph Kabila, portrait croisé
C’est l’histoire de deux présidents qui se sont séparés de leurs collaborateurs les plus stratégiques de leur dispositif. L’un a dirigé la première grande puissance mondiale, l’autre, dirige le pays le plus important de l’Afrique Centrale. Leur point commun, être arrivé au pouvoir dans les conditions quasi similaires, après une tragédie.
En 1963, le président John F. Kennedy est assassiné, Lyndon B. Johnson, alors vice-président, accède à la Maison Blanche. Le 16 Janvier 2001, Laurent Désiré Kabila meurt abattu dans sa résidence à Kinshasa, Joseph Kabila entre au Palais de la Nation. En pleine guerre froide, la présidence de Johnson est agitée. Il doit faire face au bloc soviétique. Idem pour Joseph Kabila qui hérite de ce que les spécialistes ont qualifié de troisième guerre mondiale, celle dont la République Démocratique du Congo est victime et qui implique les grandes puissances aux côtés des pays de la région.
Présidence agitée également sur le plan intérieur. Car c’est sous Lyndon B. Johnson que les violences raciales atteignent les sommets avec notamment l’assassinat le 4 Avril 1968 du militant des droits civiques Martin Luther King. Le 2 Juin 2010, la RDC de Joseph Kabila perdait aussi un activiste des droits de l’homme, Floribert Chebeya, tué alors qu’il venait de rencontrer le chef de la Police Nationale. Malgré la guerre, Lyndon Johnson est présenté comme l’un des présidents réformateurs que les États-Unis aient connu. Parmi ses programmes phares, le « Great Society ». Un dispositif comprenant des lois sur la protection des droits civiques, mais surtout l’aide à l’éducation et la protection de l’environnement. À son effectif aussi, le Medicare, l’assurance maladies pour les américains. Joseph Kabila n’ira pas jusque-là, mais il restera le président qui aura introduit dans le vocabulaire congolais les expressions « 5 chantiers » ou encore la révolution de la modernité. Des programmes grâce auxquels des routes, hôpitaux et bâtiments administratifs sont construits, même si cela reste limité dans un immense pays qu’est le Congo Kinshasa.
Lyndon Johnson, Joseph Kabila, deux présidents au caractère difficile. L’américain est présenté comme un président dominateur qui n’hésitait pas à s’imposer, y compris physiquement pour faire passer des lois au Congrès. Plus calme, mais tout aussi ‘’autoritaire’’, à plusieurs reprises, Joseph Kabila a su taire la fronde dans ses rangs sans faire trop de casses jusqu’à ce 16 Septembre 2015 lorsqu’il prend une ordonnance pour révoquer son conseiller spécial à la sécurité, coupable d’avoir osé, avec ses camarades du G7, rappeler au président, le respecter de la constitution, les échéances électorales dans le délai constitutionnel et l’alternance politique. En 1967, la guerre du Vietnam est plus que jamais impopulaire. Les États-Unis vivent au rythme des manifestations exigeant le retour à la maison de 500 mille Marines. Lyndon Johnson se sépare de son emblématique ministre de la Défense Robert McManara. Son péché, avoir suggéré au président d’entamer le désengagement du Vietnam et de mettre fin à une guerre devenue encombrante. Ni le talent de McManara, ni sa longévité (ministre de la Défense de 1961 à 1967) n’y auront rien changé. Le président est déterminé à poursuivre sa guerre. Pierre Lumbi et ses amis en apprendront sans doute davantage.
Quand on est en désaccord avec le président, soit on se tait, soit on se casse, dirait l’ancien ministre et candidat à la présidence française Jean Pierre Chevènement. Comme quoi, en se séparant de ses collaborateurs, Joseph Kabila n’a pas inventé la roue. Reste à savoir si ce parcours presqu’identique entre le président congolais et le successeur de John F. Kennedy ira jusqu’au bout. Arrivé à la fin de son mandat en 1969, Lyndon Baines Johnson se retire dans son Ranch de Johnson City à Texas. A Kinshasa, l’avenir du chef de l’État fait encore débat.
Yvon Muya