Retrait de la Monusco : pourquoi ce n’est pas pour aujourd’hui
« Nous n’allons pas prendre la responsabilité de laisser derrière nous un pays fragile ». Cette déclaration de Martin Kobler vendredi à New York ne souffre d’aucune ambiguïté. Non, la Monusco n’est pas prête à se retirer du territoire congolais. Pas maintenant en tout cas. Une position qui tranche avec celle du gouvernement congolais. Par la bouche du ministre des affaires étrangères jeudi au conseil de sécurité, Kinshasa a plaidé pour un départ progressif.
RDC-Monusco, le grand désamour…
Cela fait en effet plusieurs mois que le gouvernement congolais et la mission de l’ONU n’émettent plus sur la même longueur d’ondes. Des divergences qui se sont davantage accentuées depuis le début de l’année dans la ligne à suivre pour traquer les FDLR. Au refus de la Monusco de participer à l’opération contre les rebelles hutu Rwandais en raison de la présence des généraux Sikabwe Fall et Bruno Mandefu, soupçonnés d’avoir commis de violation des droits de l’homme dans le passé, le gouvernement congolais a décidé de faire cavalier seul. Envenimant les relations déjà tendues entre les deux parties. En Octobre 2014, Kinshasa s’était déjà attiré les critiques de la communauté internationale après l’expulsion d’un haut responsable onusien. Scott Campbell avait payé les frais d’avoir dénoncé les bavures policières pendant l’opération anti banditisme entre Novembre 2013 et Février 2014.
Ciblée par le gouvernement, la Monusco est aussi dans le collimateur de la population. Celle de l’Est particulièrement qui a manifesté brillamment en Aout 2014 pour dénoncer l’inaction des casques bleus face au massacre perpétré par les ADF NALU à Beni. Des évènements qui ne sont pas sans rappeler la révolte de 2004 contre ce qui était alors Monuc, coupable de n’avoir pas empêché la chute de Bukavu entre les mains des hommes de Jules Mutebusi. Malgré cette levée de bouclier, la Monusco reste bien, elle-même, ‘’ Maitre’’ de son destin en RD Congo. Notre analyse…
Les marges de manœuvre de Kinshasa très étroites…
Comme vient de le faire Raymond Tshibanda aux Nations unies, le gouvernement congolais dépend en grande partie de la bonne volonté du conseil de sécurité pour obtenir le départ, même progressif des casques bleus de son territoire. Depuis la création de l’ONU en 1945, la charte de l’organisation de la paix a accordé le plein pouvoir au Conseil, au détriment de la souveraineté des États. C’est à lui de décider de ce qui est menace sécuritaire ou pas. Et non le pays qui accueille la mission. Beaucoup de choses restent encore à faire, proclamait le chef de la Monusco jeudi devant le conseil. Sans doute que sa parole vaut plus que celle de Raymond Tshibanda devant cette assistance-là. Par ailleurs, la proximité entre la RDC et le Rwanda est une donnée qui doit faire réfléchir les Nations Unies avant d’envisager un quelconque retrait. Il ya déjà 20 ans que le génocide a eu lieu dans ce pays voisin. Mais la résolution du conseil de sécurité de mettre les casques bleus à l’abri alors que la situation devenait explosive au Rwanda, est encore dans toutes les têtes. La suite on la connait. Un million des morts et les Nations Unies accusées de complicité. Certes, la situation est aujourd’hui, de très loin différente en RDC, mais l’Est du pays reste incertain. Il est fort à parier que le conseil de sécurité ne prendra pas le risque de quitter.
L’autre raison pour laquelle le drapeau bleu a encore des beaux jours dans le ciel congolais, réside dans les évolutions observées dans les interventions des Nations Unies au cours des deux dernières décennies. Depuis la fin de la guerre froide en effet, les opérations ne sont plus exclusivement militaires. Le ‘’peace building ‘’ comme disent les anglo-saxons implique aujourd’hui une série d’activités multi-fomes : l’éducation, la formation de la police et des forces de la défense, la réforme institutionnelle et…la consolidation de la démocratie. A la veille d’une élection présidentielle à haut risque en Novembre 2016, les autorités congolaises devront encore compter avec la Monusco.
Yvon MUYA