Burundi : ces palais qui vacillent devant la dure réalité de l'histoire
La chute du président burundais Pierre Nkuruziza ce mercredi 13 Mai 2015 est venue rappeler une réalité que les esprits avertis ont sans doute déjà remarquée : Chaque époque a toujours ses pages d’histoires à écrire. Nul ne peut l’en empêcher.
Le bras de fer entre Pierre Nkuruziza d’un côté, la société civile et l’opposition politique burundaise de l’autre, contre un 3eme mandat présidentiel jugé illégal, venait en fait gonfler les rangs d’un débat sur le respect de la constitution bien saturé sur le continent. En octobre 2014, un poids lourd, Blaise Compaoré se brulait déjà les ailes, chassé de Ouagadougou par la rue, après sa course effrénée vers une nième candidature. L’échec de la révision de la constitution a été fatal pour celui qui régnait en maitre sur la Haute Volta depuis 27 ans. Lui qui passait pourtant pour le vieux sage de la région.
Le Burundi n’est pas le Burkina…
Cet avertissement n’a pas pourtant découragé les stratèges à Kinshasa ou encore à Bujumbura où les pouvoirs en place sont soupçonnés de vouloir s’accrocher au-delà des mandats qui s’apprêtent à expirer. Le Burundi n’est pas le Burkina, n’ont cessé de clamer les soutiens du régime à Bujumbura. Mais le vent qui souffle sur l’Afrique noire est d’une telle violence que les choses ne vont pas se passer comme ces derniers les envisageaient. Il est vrai que les burkinabè s’étaient mobilisés par centaines des milliers. Ailleurs, la mobilisation est restée faible, mais la dynamique du mouvement restée la même. C’est sans doute cela qui explique le fait qu’en Janvier 2015, quelques centaines des kinois seulement ont fait reculer la Majorité Présidentielle sur le projet de loi électorale censée, selon l’opposition, favoriser la prolongation du mandat de Joseph Kabila au-delà de 2016. A Bujumbura, les manifestants qui ont pollué la vie à Nkuruziza, cantonnés dans les périphéries de la capitale par les forces de l’ordre, arrivaient à peine à atteindre le centre-ville. Mais cela a suffi à donner du courage à un général pour bloquer l’ancien maquisard hors frontières du Burundi. A chacun sa méthode donc, mais pour le même résultat : sauvegarder la loi fondamentale et la démocratie.
Lorsque le monde arabe s’ébranlait avec son printemps qui a emporté tour à tour Ben Ali en Tunisie, Hosni Moubarak en Égypte et Mouammar Kadhafi en Lybie, sans oublier les Assad et Saleh en Syrie et au Yémen, resté à la tête des pays qui n’ont rien d’autre que des véritables poudrières. Suite à ce printemps arabe qui ne s’est pas interrogé de la capacité de l’Afrique noire à oser défier les présidents à vie ? Il était visiblement juste question de temps. L’histoire ne s’est jamais bousculée elle-même.
Au lendemain de la Perestroïka qui aboutit en 1989 à l’effondrement de l’Union Soviétique, puis à la fin de la guerre froide, le vent des conférences nationales souffle sur le continent africain. Les régimes dictatoriaux pour la plus part, en place depuis les indépendances, d’autres, issus des coups d’État, voient la totalité de leurs pouvoirs les échapper. Certains comme au zaïre tentent de résister avant de céder. Le célèbre « comprenez mon émotion » du Marechal Mobutu, acculé pour ouvrir l’espace politique, raisonne encore aujourd’hui, comme si c’était hier.
Yvon MUYA